Un bon examen et pourtant un échec : Comac dit stop aux examens qui détournent la réussite à 10/20

Ça fait presque un an qu’avec Comac, nous recevons des témoignages d’étudiant.e.s qui ont des examens détournant le seuil de réussite fixé à 10/20. Alors que nous avons déjà récolté plus de 300 témoignages, la ministre de l’enseignement Valérie Glatigny (MR) continue de nier l’existence de cette pratique. Pourtant, les modalités d’évaluation injustes sont bien réelles. Il suffit d’aller parler à 10 étudiant.e.s pour vite s’en rendre compte…

Ces modalités qui ne respectent pas le décret Paysage doivent cesser. Elles sont la conséquence du sous-financement structurel de l’enseignement supérieur depuis la fin des années 1990. Elles traduisent la vision élitiste des politiques menées par la ministre. C’est pourquoi nous exigeons un refinancement de l'enseignement supérieur à la hauteur de ses besoins.  Le 22 juin, nous irons déposer à la ministre les centaines de témoignages reçus pour nous faire entendre !

Un an que Comac dénonce les modalités injustes

Le 3 juillet 2021, on apprenait dans La Libre qu’en BAC1 en psychologie à l’Uclouvain, seul.e.s 5 étudiant.e.s sur 645 (moins de 0,8% des inscrit.e.s !) avaient obtenu leurs 60 crédits à la session de juin (1). En cause ? Des modalités d’évaluation qui détournaient le seuil de réussite fixé à 10/20 (2) et passaient surtout par des QCM exigeant une moyenne de 12, 13 ou 14/20 (3).

Avec Comac, nous avions lancé une campagne de témoignages pour visibiliser la situation de la faculté de psychologie de l’UCLouvain. Nous avons aussi organisé une action d’envoi de mails vers les autorités académiques et facultaires pour que le seuil de réussite à 10/20 soit respecté. Cette lutte, menée collectivement avec la mobilisation de centaines d’étudiant.e.s, a mené à une victoire importante. Le cours de psychologie générale, qui était le principal responsable du taux de réussite désastreusement faible, est passé d’un seuil de 14/20 à un seuil de 10/20 !

Les cours à modalités injustes en psycho ne sont que la pointe de l’iceberg.

Le 8 février, Anouk Vandevoorde, députée du PTB, a interpellé la ministre Valérie Glatigny (MR) pour lui demander ce qu’elle comptait faire contre ces pratiques abusives qui détournent le seuil de réussite fixé à 10/20 (4). La ministre de l’Enseignement supérieur a nié qu’il y avait encore des modalités injustes d’examens en affirmant qu’elles avaient été changées et n’étaient plus d’actualité.

En plus de remettre la parole de plus de 300 étudiant.e.s en doute, la ministre nie les preuves, car plusieurs descriptifs de cours (pour l’année académique 2021-2022) présents sur le site de l’UCLouvain mentionnent explicitement le non-respect du seuil de réussite à 10/20 (5). Les preuves sont trop nombreuses et il n'est plus possible de nier l'existence de ces modalités d'examens injustes sans être malhonnête. Pourtant, la ministre Valérie Glatigny a continué de nier face aux nombreuses interventions d’Anouk Vandervoorde présentant ces preuves (6).

Ces modalités d’évaluation sont illégales. L’article 139 du décret paysage indique très clairement que le seuil de réussite est de 10/20 (2). Peut-on simplement dire que “on réussit à 10, mais il faut 12 questions sur 20 pour avoir 10”, par exemple ? Un arrêt du Conseil d’État du 3 mai 2021 s’est prononcé sur la question et a refusé catégoriquement cette justification. Cet arrêt stipule qu’exiger de fournir plus de la moitié des réponses exactes tout en étant crédité d’un point par bonne réponse implique le non-respect du seuil de réussite à 10/20 et donc la violation de l’article 139 du décret Paysage (7).

C’est également incorrect d’associer réussite à 10/20 et connaissance de la moitié de la matière. Non, un.e étudiant.e qui réussit avec 10/20 ne connaît pas seulement la moitié de son cours ! La note de 10/20 est, comme le rappelle le décret Paysage, le seuil de réussite (2), c’est-à-dire la note à partir de laquelle on considère qu’un.e étudiant.e a acquis les compétences et apprentissages associés à l’unité d’enseignement. Cette note correspond au seuil à partir duquel il est estimé que toutes les compétences nécessaires associées au cours en question ont été acquises.

Une conséquence de l’austérité dans les services publiques

Ces modalités découlent des choix politiques du gouvernement et ne relèvent pas seulement de la responsabilité des professeurs, parfois obligés d’y recourir par manque de temps et de moyens : pour certains cours à 800 étudiant.e.s, ils ne disposent que de 4 assistant.e.s ! Elles sont la conséquence des politiques d’austérité (de réduction des dépenses publiques) qui ont lieu dans tous les services publiques et de la vision élitiste de l’enseignement supérieur. L’élitisme c’est quoi ? C’est l’idée que tou.te.s les étudiant.e.s n’ont pas leur place dans l’enseignement supérieur, que celui-ci doit être réservé à un nombre plus réduit d’étudiant.e.s par des mécanismes de sélection qui en excluent une partie, particulièrement les plus précaires. Cette vision, partagée par la ministre Valérie Glatigny, amène à choisir politiquement de financer l’enseignement supérieur en-dessous de ses besoins pour y faire des économies.

Le sous-financement de l’enseignement supérieur est en effet organisé politiquement depuis la fin des années 1990. En 1996 et 1998 (respectivement pour les hautes écoles et pour les universités), a été décidé le principe de l’enveloppe fermée : le montant du financement alloué à l’enseignement supérieur y a été fixé et n’a plus augmenté depuis (à l’exception des indexations) (8). Cependant, le nombre d’étudiant.e.s inscrit.e.s a quant à lui fortement augmenté : en vingt ans, la population universitaire a ainsi presque doublé (9) ! De ce fait, les dépenses de la Fédération Wallonie-Bruxelles par étudiant.e ont largement diminué avec le principe de l’enveloppe fermée : de 18% entre 2009 et 2019 (10) et même de moitié sur les 40 dernières années (8).

Le système d’enveloppe fermée empêche donc d’ajuster le financement de l’enseignement supérieur à hauteur de ses besoins. Ce sous-financement se traduit dans la baisse des moyens matériels et humains ainsi que des aides à la réussite (11). Plus généralement, il mène à un encadrement et à un enseignement de moindre qualité ainsi qu'à des modalités d’évaluation pédagogiquement moins adaptées. C'est le cas des QCM qui prennent la place des questions ouvertes alors que ces dernières évaluent bien mieux l’acquisition de connaissances. C’est pour sélectionner les étudiant.e.s qu’interviennent les modalités d’évaluations détournant le seuil de réussite à 10/20. Ce n’est en effet pas un hasard si ces modalités sont les plus courantes en faculté de psychologie, où le nombre d’étudiant.e.s a explosé ces dernières années, augmentant de 70% en huit ans (12) ! Durant la crise covid, nous avions vu que la santé mentale des étudiant.e.s se détériorait. Cette sélection est d’autant plus paradoxale que, comme nous l’a montré la crise du corona, notre société a grand besoin de psychologues.

Pour mettre fin aux modalités injustes, il faut de l’argent ! 

Pour s’y opposer, il est nécessaire d’exiger le refinancement de l’enseignement supérieur, pour que celui-ci bénéficie de moyens adaptés à ses besoins et pour que chaque étudiant.e puisse y avoir accès de manière égale. Ce refinancement est demandé par tous les acteurs de terrain : aussi bien par la Fédération des étudiant.e.s francophones (FEF) qui demande 150 millions d’euros par an (13) que par les recteurs qui réclament, uniquement pour les université, 150 millions à la fin de cette législature et 150 millions supplémentaires pour la suivante (14). Le premier pas du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles impliquant une augmentation de 50 millions en 2022, de 70 millions en 2023 et de 80 millions en 2024 (15) n’est absolument pas suffisant.

Comme les plus de 300 témoignages récoltés le montrent et comme nous l’entendons dans nos conversations avec les étudiant.e.s à la sortie de leurs examens, les modalités d’évaluation injustes détournant le seuil de réussite à 10/20 existent bien. Elles entraînent des taux de réussite désastreux et nuisent à la santé mentale des étudiant.e.s. Pour que ces modalités cessent, il est nécessaire de refinancer l’enseignement supérieur à hauteur de ses besoins et de rompre totalement avec une vision élitiste, en privilégiant un modèle d’enseignement véritablement inclusif et au service de la société tout entière.

Rejoins-nous !

Toi aussi, tu veux lutter en faveur du refinancement de l’enseignement supérieur et pour un autre modèle d’enseignement qui évalue pour juger l’état d’apprentissage et non pour sélectionner et exclure ? Laisser ton témoignage ici : https://forms.gle/RTPSMFCPL6C8VsAQ8

Et rejoins Comac !

(1) https://www.lalibre.be/belgique/enseignement/2021/07/03/resultats-affolants-a-la-faculte-de-psychologie-de-luclouvain-seul-cinq-etudiants-sur-645-obtiennent-60-credits-7GDUR3Z3JFHYPLSF4MOIMAZFXE/.

(2) Décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l'enseignement supérieur et l'organisation académique des études, art. 139, disponible sur : https://www.gallilex.cfwb.be/document/pdf/39681_022.pdf.

(3) https://www.rtbf.be/article/taux-dechec-impressionnant-en-psychologie-a-luclouvain-seuls-cinq-etudiants-de-premiere-annee-ont-reussi-10798108.

(4) https://www.youtube.com/watch?v=TxbBvqSZHlU [2h13’45-2h19’08].

(5) Par exemple, les cours LPSP1004 (https://uclouvain.be/cours-2021-lpsp1004) et LPSP1205 (https://uclouvain.be/cours-2021-lpsp1205).

(6) https://fb.watch/dz0J70NbaR/.

(7) Arrêt du Conseil d’État (n°250.502) du 3 mai 2021 disponible sur : http://www.raadvst-consetat.be/Arrets/250000/500/250502.pdf#xml=http://www.raadvst-consetat.be/apps/dtsearch/getpdf.asp?DocId=38964&Index=c%3a%5csoftware%5cdtsearch%5cindex%5carrets%5ffr%5c&HitCount=10&hits=29+2a+64+65+18e8+18e9+1965+1967+19ce+19cf+&14194020222712.

(8) FEF, novembre 2021, Accès libre, téléchargeable sur : https://acceslibre.be/acces-libre-novembre-2021/.

(9) Elle est passée de 61 267 étudiant.e.s en 2001-2002 à 118 132 en 2021-2022 ; sur base des données du Conseil des recteurs francophones (CREF) : http://www.cref.be/annuaires/.

(10) https://www.lesoir.be/258791/article/2019-11-06/valerie-glatigny-au-soirun-etudiant-doit-savoir-sil-reussi-ou-sil-est-en-echec#:~:text=Accueil%20Belgique%20Politique-,Val%C3%A9rie%20Glatigny%20au%20%C2%ABSoir%C2%BB%3A%C2%ABUn%20%C3%A9tudiant%20doit%20savoir,instaurer%20des%20tests%20d'orientation.

(11) FEF, 15 mars 2016, https://www.facebook.com/watch/?v=992426150794384.

(12) https://www.rtbf.be/article/le-nombre-detudiants-en-psycho-explose-chaque-annee-la-qualite-des-etudes-sen-trouve-menacee-10798527.

(13) https://www.rtbf.be/article/la-fef-demande-150-millions-d-euros-par-an-pour-refinancer-l-enseignement-superieur-10291151.

(14) Conseil des recteurs francophones (CREF), 2019, Mémorandum en perspective des élections législatives de 2019, disponible sur : http://www.cref.be/communication/20181204_Memorandum_CREF_2018.pdf ; https://www.lesoir.be/247056/article/2019-09-11/vincent-blondel-recteur-de-luclouvain-150-millions-de-plus-cest-la-demande.

(15) Projet de décret du Parlement de la Communauté française du 18 novembre 2022 contenant le budget des dépenses pour l’année budgétaire 2022, p. 49, disponible sur : http://www.budget-finances.cfwb.be/index.php?id=21843.

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