Comac à la ministre Glatigny : “Ne restez pas aveugle aux inégalités”

La ministre de l’enseignement supérieur Valérie Glatigny affirme que le taux de réussite serait meilleur que les autres années. Comac demande que tous les chiffres soient publiés et que la ministre ne reste pas aveugle aux inégalités, sur lesquelles un taux de réussite global ne dit rien.

D’après les premiers chiffres communiqués par la ministre Glatigny et les recteurs, cette année corona n’aurait pas causé d’abandons massifs et le taux de réussite serait en hausse par rapport aux années précédentes. Si c’est le cas il s’agit d’une très bonne nouvelle, qui n’est pas sans lien avec tou-te-s les acteurs-trices de l’enseignement supérieur qui ont mis en avant les grandes inégalités entre étudiant-e-s depuis plusieurs mois, mais aussi les plus de 10.000 personnes qui ont signé notre pétition. Mais que signifie exactement les chiffres communiqués par Glatigny?

Des chiffres à prendre avec des pincettes

Pour Renaud Maes, chercheur et professeur à l’ULB et Saint-Louis, c’est clair : il manque toute une série de données pour vraiment tirer le bilan de cette session corona. « « On voit aujourd'hui beaucoup de communication sur un chiffre qui n'est pas forcément significatif d'une amélioration de la réussite réelle des étudiant-e-s. » Pour lui, la ministre Glatigny et les établissements confondent un taux de réussite et un taux d’examens réussis. Or, un-e étudiant-e peut réussir de nombreux examens mais échouer à l’un ou l’autre “cours à pète” et rater son année. Les deux taux ne sont donc pas comparables. 

En ce qui concerne le taux d’étudiant-e-s ayant abandonné, Renaud Maes l’affirme : « Cette statistique n’est absolument pas fiable. Des consignes ont été données dans certains établissements comme l’ULB pour que personne ne soit noté absent mais reçoive une note de présence. » Ce qui réduit mécaniquement le taux d’abandon puisque les abandons réels ne sont pas recensés. Encore une fois, il est nécessaire d’avoir tous les chiffres à disposition pour analyser vraiment l’effet de cette session corona exceptionnelle.

Les inégalités: l’angle mort de la ministre

Mais il faut rester attentifs. « Quoi qu’il en soit, ces chiffres ne disent rien des inégalités vécues par les étudiant-e-s, qui ont été renforcées comme le montrent de nombreuses enquêtes publiées ces dernières semaines. C’est pour comprendre leur impact sur la réussite des étudiants que nous avons lancé une enquête qui confirme que la condition sociale des étudiant-e-s a eu un impact sur leur réussite. », réagit Octave Daube, porte-parole de Comac.

Notre enquête a été réalisée auprès de plus de 500 étudiant-e-s - et ce chiffre augmente chaque jour au fur et à mesure que nous recevons des réponses. Les premiers résultats indiquent que les inégalités ont été renforcées. Nous avons utilisé le niveau de diplôme des parents pour identifier la condition sociale des étudiant-e-s. Alors que parmi l'ensemble des étudiant-e-s, 1 sur 4 n'avait pas d'endroit adéquat pour étudier, ce serait un peu moins d’1 sur 2 parmi les étudiant-e-s dont les parents n'ont pas de diplôme de l'enseignement supérieur. Pour ces mêmes étudiant-e-s, 1 sur 3 n'avait une bonne connexion pour étudier. Près d'1 sur 2 estime enfin avoir raté un examen à cause de ces problèmes.

C’est aussi ce que constate Renaud Maes : « Tout-e-s les étudiant-e-s ont connu un stress supplémentaire avec cette session, mais deux groupes sont particulièrement à risque : les adultes en reprise d’études et ceux et celles qui habitent dans un lieu trop exigu - surtout entouré de colocataires ou de leur famille. Ces étudiant-e-s étaient dans des situations où iels ne pouvaient pas étudier. Donc même dans l’hypothèse, pas du tout vérifiée à ce stade, qu’il y ait une amélioration générale de la réussite, ces étudiant-e-s là ont été discriminé-e-s par les conditions matérielles dans lesquelles iels étaient. Le biais social a été plus fort cette année. »

Les taux de réussite cachent donc des réalités sociales très différentes. Notre enquête indique que les inégalités ont pu impacter la réussite des étudiant-e-s durant cette session corona. Plusieurs témoignages pointent aussi une session particulièrement angoissante et des conséquences psychologiques du stress intense. « Nous demandons donc à la ministre Valérie Glatigny de faire une étude spécifique sur les inégalités renforcées par ce confinement et de communiquer tous les chiffres, afin qu’un vrai bilan en profondeur de la crise et de son impact puisse être fait. », conclut Octave Daube.

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