Fiona Pestieau
Depuis juillet nous avons un nouveau gouvernement en Fédération Wallonie-Bruxelles ainsi qu’en Région wallonne, composé des mêmes partis : le MR et les Engagés. Ils ont été très clairs sur un point dès leur prise de fonction : à la fin, ce sont les gens qui paieront la facture, avec des mesures d’austérité. Les économies touchent de nombreux secteurs publics, et l’enseignement supérieur n’est pas épargné. Ils n’ont pas chômé puisqu’en seulement 4 mois ils ont réussi à nous pondre toutes une série de mesures développées ci-dessous. La ministre de l’enseignement supérieur Elisabeth Degryse et son parti, les Engagés, se sont fait passer pendant toute la campagne électorale comme soucieux du bien être des étudiants. Mais en seulement 4 mois ce gouvernement s’est profilé comme le gouvernement contre les étudiants.
Cinq attaques votées ou sur la table
1. Le retour de la réforme du décret Paysage
C’est une des premières choses que le MR avait promis en revenant. Les Engagés, de leur côté, avaient tenu un discours plus vague, affirmant ne pas vouloir revenir à la réforme du décret Paysage tout en refusant également le texte gagné par les étudiants et voté par PS-PTB-Ecolo. La ministre de l’enseignement Elisabeth Degryse (Les Engagés) a fini par déclarer qu’elle s'inscrit clairement dans la continuité de la réforme initiale menée par Valérie Glatigny (ancienne ministre de l’enseignement supérieur) et remet sur la table cette réforme pour la rentrée de 2025. Pour rappel, la réforme du décret Paysage est cette réforme élitiste qui exclut des milliers étudiants de l’enseignement et en premier lieu ceux qui ont le moins de moyens. Elle réduit le temps accordé aux étudiants pour réussir leurs études, sans s’attaquer aux causes profondes de l’échec, comme le besoin de travailler pour financer leurs études, une réalité qui concerne plus d’un quart des étudiants.
Pour écrire son futur “décret parcours”, la ministre veut par contre là consulter tous les acteurs. Si elle voulait réellement écouter les étudiants, elle aurait pris en compte leur mobilisation en 2024, où leur message était clair : “Stop à la réforme du décret Paysage.” Ce n’est pas tout : le nouveau gouvernement prévoit, dans son avant-projet de décret, de balayer la collecte de données sérieuses sur les effets de la réforme. Eux qui avaient pourtant tellement insisté lors de la précédente législature sur l’importance de la rigueur des chiffres. Ils préfèrent maintenant avancer à l’aveugle avec une réforme dont on ne sait pas exactement les conséquences (catastrophiques) qu’elle pourrait avoir.
Un autre problème dans la volonté de la ministre et de son gouvernement est le triple changement de régime. En seulement trois ans, les étudiants devront naviguer dans trois systèmes différents pour évaluer leur finançabilité. Instabilité max pour les étudiants.
2. Le retrait de la presque gratuité de la TEC pour les jeunes
Cette mesure a été annoncée au mois d’octobre par le ministre wallon de la mobilité, François Desquesnes (Les Engagés). Bien que ce soit un gouvernement distinct de celui de la Fédération Wallonie-Bruxelles, il est composé des mêmes partis : Les Engagés et le MR.
Pendant la campagne électorale, Les Engagés s’étaient positionnés comme le parti prônant une mobilité renforcée et le soutien aux transports publics. Dans leur programme, ils disaient même vouloir étendre l’abonnement à 12 euros jusqu'à 26 ans. Pourtant, après 3 mois au pouvoir, une des premières choses qu’ils mettent sur la table est le retrait de l’abonnement TEC à 12 euros pour les 18-24 ans. Une grande partie des étudiants en Wallonie utilise les transports tous les jours pour se rendre en cours. Cette quasi gratuité était un petit coup de pouce précieux qui permettait d’alléger un peu le budget du coup des études.
3. 6,5 millions en moins pour l’enseignement supérieur
On peut lire dans La Libre : “À partir de l’année budgétaire 2025, un montant de 3 millions d’euros sera retiré de la dotation annuelle de la FWB aux universités pour les allocations complémentaires accordées pour l’inscription des étudiants de condition modeste. Selon le même mécanisme, la Fédération Wallonie-Bruxelles retirera aussi 3 millions d’euros de la dotation annuelle aux hautes écoles (HE). Si on y ajoute les 500 000 euros ponctionnés sur la dotation annuelle aux écoles supérieures des arts (ESA), on arrive à un total de 6,5 millions d’économies imposées aux établissements d’enseignement supérieur.”
La ministre et son gouvernement ont juste menti. Ceux-ci avaient annoncé fièrement lors de la déclaration politique communautaire qu’ils allaient être ceux qui feraient sortir l’enseignement de l’enveloppe fermée. Pour rappel, ce système de financement empêche que le budget de l’enseignement ne soit indexé en fonction du nombre d'étudiants. En d’autres termes, le budget n’augmente pas autant que le nombre d’étudiants. On pouvait espérer que les recteurs seraient enfin entendus et que l’enseignement supérieur, déjà gravement sous-financé, recevrait un refinancement. Mais c’était un peu trop beau pour être vrai. La réalité est qu’au lieu de refinancer, la première chose que fait le gouvernement MR-Engagés est de couper de manière sèche dans les budgets. Pire encore, en partie dans le budget qui a pour but d’aider les étudiants de conditions modestes. C’est vrai qu’avec l’augmentation du coût de la vie, les étudiants ont besoin de moins d’aide…
Le MR, fidèle à sa politique habituelle, met les universités dans une position ignoble. Si elles veulent compenser ces coupes, elles n’ont qu'à augmenter le minerval des étudiants hors Union européenne à 4175 euros par an. Premièrement, ils font comme si les étudiants hors UE étaient les plus riches du monde et que cette mesure ne réduirait pas la part de ceux-ci qui va pouvoir venir étudier ici et contribuer à la diversité des échanges. Deuxièmement, c’est le stratagème classique de la droite : “diviser pour mieux régner” (pour plus d’infos, check notre article : S'en prendre aux étudiants étrangers, c'est s'en prendre à nous toutes et tous). Ils mettent en concurrence les étudiants à revenu modeste avec les étudiants hors UE. Une concurrence qui n’a pas lieu d’être quand on sait qu’en Belgique il y a plein d’argent mais qu’on ne va pas le chercher là où il est. Une taxe des millionnaires pourrait rapporter 4,7 milliards d’euros par an. Couper dans le budget de l’enseignement est un choix politique.
4. Un manque d’ambition total concernant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles
Alors que les cas récents d’agressions à Louvain-la-Neuve et les résultats de l’étude Behave remettent en lumière l’urgence de lutter contre les violences sexistes et sexuelles, la question de mesures ambitieuses se pose à nouveau. L’étude Behave propose pourtant une série de recommandations concrètes pour répondre au problème. Mais on n'a clairement pas senti le plus grand enthousiasme du côté d’Elisabeth Degryse. Dans une récente déclaration à la presse, elle a affirmé : “Le gouvernement choisira parmi ces recommandations celles qui peuvent être mises en place le plus rapidement possible et sans nécessiter des investissements énormes”. Pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles, il faut des moyens. Pas question que la sécurité des étudiant.e.s soit encore remise à plus tard à cause de leur politique d’austérité.
5. 21% de budget en moins pour l’ARES
L’ARES (Académie de Recherche et d'Enseignement Supérieur) est une institution publique qui a plusieurs mission dont les principales sont garantir la mission de service public d’intérêt général de l’enseignement supérieur, soutenir les établissements et assurer leur coordination globale dans leurs missions d’enseignement, de recherche et de service à la collectivité, susciter entre eux des collaborations, dans le respect de leur autonomie et la collaboration internationale. Ces missions couvrent des domaines essentiels pour préserver la qualité et la diversité de notre enseignement. L’ARES joue également un rôle central dans la réalisation d’enquêtes approfondies, qu’il s’agisse des taux de réussite des étudiants, de la précarité étudiante ou encore des violences sexistes et sexuelles sur les campus. Elle pourrait par exemple évaluer les conséquences de la réforme du décret du décret Paysage.
Mais le 11 novembre, on apprenait dans Le Soir la réduction de 21% de son budget. Non seulement ce budget n’est pas indexé, mais il subit en plus une réduction massive. Cette coupe conséquente va avoir un impact conséquent sur l’efficacité et le fonctionnement de l’ARES. Étant donné que la majorité de son budget est dédiée aux salaires, cette coupe se traduira concrètement par moins de temps et de moyens pour mener à bien les projets essentiels.
Etudier est un droit pas un privilège
Toutes ces mesures que prend le gouvernement, elles ne sont pas une fatalité. Non, les mesures d’austérité ne sont pas une obligation. Oui, d’autres choix sont possibles. On peut décider qu’investir dans notre enseignement pour qu’il soit qualitatif et accessible est primordial. De nombreuses mesures peuvent être mises en place : augmenter le taux d’encadrement en engageant plus de personnel académique, créer davantage d’espaces de cours et d’études, construire des kots publics, plafonner les loyers des kots, proposer des repas bon marché et de qualité, rendre le minerval gratuit, etc. Nous développons en détail toutes ces mesures dans notre brochure “Etudier est un droit, pas un privilège !”.
Aller à l’encontre d’une logique élitiste et méritocratique, où seule une minorité privilégiée peut accéder à l’enseignement supérieur, n’est pas le choix du MR et des Engagés. Au contraire, ils soutiennent cette logique à travers chaque mesure qu’ils veulent imposer aux étudiants.
Face à ce gouvernement qui a déclaré la guerre aux étudiants, nous répondons : nous ne nous laisserons pas faire ! Rejoins Comac pour te mobiliser et résister face à ce gouvernement.
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